René la tenait
à hauteur de nez et l’observait sans en obtenir la moindre
information. Son charme, si charme il y avait, résidait justement
dans cette absence entretenue, d’une part par l’hermétisme
de la cassette, d’autre part par le peu de crédit accordé
par René à l’histoire concernant l’ancien propriétaire,
et que lui avait raconté Camille (peut-être fût-ce
Mireille) en la lui donnant. A l’intérieur de la cassette
avait été placées deux lamelles de verre, comme celles
utilisées pour effectuer une observation au microscope. De l’adhésif
maintenait ces lamelles fixées l’une à l’autre.
Une goutte de sang... René avait interrompu Mireille (ou Camille),
sous prétexte que la révélation du secret en désagrègerait
la poésie. Argument hasardeux, certes, car ce qui est enfermé
n’est pas forcément poétique. En conservant close
la cassette René prétendait aussi vouloir éviter
l’erreur de Pandore. Camille et Mireille considéraient ce
refus comme assez puéril, d’autant plus, avait plaisanté
Mireille (ou Camille), qu’il ne pouvait avoir déjà
oublié ce qui se trouvait entre les deux lamelles : une goutte
de sang séché, depuis des décénies, à
laquelle on avait peut-être prêté le pouvoir d’empêcher
la propagation d’allez savoir quelle infection virale et autre fléau
parasitaire. Peut-être s’agissait-il d’autre chose,
peut-être cette goutte de sang avait-elle été désignée
comme centre vers lequel convergeaient une multitude de fils invisibles
à l’œil nu, garantissant l‘unité sinon
de l’univers, du moins de l’environnement immédiat
de celui qui l’avait placée là, fragile armature ne
laissant aucune chance au chaos, qui lorsqu’il règne ne laisse
à nul le choix d’agir selon son bon plaisir, car celui-ci,
non plus que le déplaisir n’obéissent alors à
aucune règle. - Examiné à l’infra rouge un Kono révéla..., commença René. - Rien. Avait coupé Mireille ou Camille, à moins que l’intervention ne soit venue de Lucien. |