- Vous ne verrez
pas, lacha Camille, carte postale entre pouce et index, agitée
pour faire du vent au temps, vous ne verrez ni les squales en bandes fendant
une mer d’huile, cobalt et outremarine, blanc de titane et noir
d’ivoire d‘où surgissait l’ocre parfois, les
requins ni la mer, plutôt fleuve souterrain d‘ailleurs, empétré
dans un dédale de cavernes, non, vous ne verrez ni la migration
assidue (éperdue?) des sélachimorphes (autant d’angélophanies
muettes) répétée d’une œuvre à
l’autre, ni ces citations du trecento, parenthèses iconôgraphiques
interrogeant les visiteurs, et où, par exemple, le reconcement
aux bien terrestres de Francesco d‘Assisi se voyait dépouillé
non seulement du groupe architectural devant lequel se déroulait
la prise de bec entre le saint et son père, mais du saint lui-même,
sous-entendant que, visiteur A : si Giotto n’était pas dupe
de ce que lui ou ses aides peignaient, l’artiste moderne ne se faisait
pas non plus beaucoup d’illusion, (peignant pour démontrer
la difficulté, sinon l’impossibilité de peindre ;
visiteur b : qu’en l’absence de discours mystique il ne restait
à l’artiste moderne en détresse que l’encombrante
défroque du passé, dont il se défaisait par la pirouettes
des requins la repoussant d’un coup de nageoire caudale pour mieux
continuer leur course ; visiteur c : cette fois c’est la caravane
qui restait en plan, cependant que les „chiens“, hardis petits,
suivaient leur cap ; visiteur b : mouvement obligé, sous peine
d’asphixie. Ce qui contredit entre autre l’éthymologie
phantaisiste associant le squale au repos éternel. Vous ne les
verrez pas ces requins, je ne les verrai plus, puisque finie l’exposition. |