La difficulté à mener sa barque est notoire, et, ainsi que le montre ce modèle, la construire n’est pas non plus une mince affaire même si le peu d’épaisseur du matériau utilisé laisserait penser le contraire. D’une hauteur trop réduite pour affronter sereinement l’océan, sa largeur et la présence d’avirons plutôt que d’une perche, ne la prédispose pas à la traversée d’un marais. Le risque est d’ailleurs moindre pour ce dernier, d’attirer une clientèle trop préoccupée par les turquoises tropicaux ou l’immaculée antarctique pour subir le charme pestilentielle d’un milieu en décomposition. Embarcation ambigüe, étrange, dont on cherche en vain la raison d’être. Ne pas la découvrir sur le champ ne signifie cependant pas son absence. Fragile embarcation, qu’une vague espiègle renverserait d’un léger coup d’épaule, qu’une contre-vague taquine retournerait d’une pichenette ou qu’un ciel chagrin remplirait bien vite en y déversant une abondance lacrymale. Elle ne présente somme toute que des inconvénients. Le navigateur potentiel en dresserait-il la liste, qu’il la trouverait bien ouverte, si ouverte qu’il en sentirait comme une brise de liberté lui rafraîchissant la nuque et les oreilles, vite ennivré par la multiplicité des causes propres à l’envoyer par le fond.
[Extrait du journal de M. Crépon]