Une grenouille sauta dans l’herbe
drue, un oiseau fit résonner le barbelé en s’envolant.
Le vent agitait le feuillage des bouleaux, de l’autre côté.
La lisière du bois semblait jeter un œil par dessus
l’enceinte du camp. Singulier face à face, songea Firmin,
révélant l’incompatibilité absolue entre
le végétal et ce qui – pourrait-on dire –
n’appartenait à aucun règne. Les arbres se balançaient
bien avant le camp. Ce camp qui, malgré ce don Nr. 9049, tomberait
sans doute un jour en ruines, disparaîtrait même, cependant
que les arbres se balanceraient encore, comme ils se balançaient
alors qu‘à leur pied des hommes s’employaient à
en exterminer d’autres, aspirant par là, comme l’écrivait
Albert Cohen, à retourner à la forêt, aux
grognements dont ils éprouvaient la nostalgie. Qui ne trouvèrent
pas la première et s’étouffèrent dans les
seconds, mais les leurs. Comme tant d’autres désormais,
Firmin se dirigea vers la sortie – usage du porche que les planificateurs
du lieu n’avaient certes pas prévu – et s’arrêta
à la fenêtre d’une petite pièce, librairie
et boutique. Nous associons plus volontiers kitsch et bonheur, que malheur
et kitsch; à la vue des cartes postales qu’on y pouvait
acheter, Firmin pensa que la seconde combinaison existait aussi et ne
put s’empêcher de formuler le terme KZ Glamour,
illustré par des cartes postales représentant le camp
enneigé, au lever de soleil, enveloppé d‘une brume
automnale en nappes rosées, violacées, rougi par un coucher
de soleil, il fait bon, la bouffe est bonne, on vous embrasse....
L’appellation des cartes n’était évidemment
pas, tout de même pas : Am Waldsee... |