Recommencer où cela commença et comment : une remarque émise mais d’abord mûrement réfléchie marmonnée par Mr. X à l’abri de la barbe en brouissaille et difficilement compréhensible comme si une partie des phrases ou certaines lettres étaient restées accrochées à cette lande la main passée et repassée là-dedans comme pour récupérer les retardataires ou les évincer finalement du propos commentaire d‘une toile résultant d’un sujet imposé par contrat stipulant un paiement en espèces pour l’exécution d‘une „marine“ que Mr. X. désirait offrir à son épouse amateur du genre de cette concertation de magenta cyan jaune cadium contrat prévoyant l’ébergement pour la période nécessaire à la réalisation dans un hôtel élevant ses larges baies vitrées pour ainsi dire sur la côte à la barbe des vagues archipels et au besoin grand large où Marcel Crépon ne mit jamais les pieds préférant louer une chambre dans un autre établissement au nom s’écaillant sur le balcon du quatrième étage d’où il avait aurait pu avoir une vue s’il n’avait laissé les jalousies baissées le temps passé à peindre cette toile de format 263 X 138 cm qui sans être parfaitement exclusivement monochrome était bleue monologue appliqué au rouleau [la quantité de couleur nécessaire au recouvrement de la toile était beaucoup plus faible que Crépon ne l’avait imaginé, il appliqua donc autant de couches qu’il y avait de pâte dans le tube) consciencieusement en utilisant la technique du gras sur maigre pour ne pas retarder la siccativation et obtenir éventuellement quelques effets sans intention de les obtenir va savoir que sait-on quand on croit le savoir? La réponse de Crépon à cette demande de Mr. X. frôlait ainsi le monochrome ou flirtait avec le méconnaissable passant de l’abstraction figurative à son contraire, et fut qualifiée de peinture d’intérieur par Crépon, venant, précisa-t-il pour Mr. G. plissant les paupières pour tenter de reconnaître un soupçon d’il ne savait trop quoi, donc de l’intérieur, cet intérieur vers les profondeurs duquel pour peu qu’on dirige son attention tel un télescope laisse apparaître toute une palette d’organes flottant ballottant doucement tendant à une simplification extrême, en instance ou en cours de déchéance, par opposition à une peinture extérieure sur laquelle, lande bruyère ajoncs et genêt forment une horizontale rigueur rêche que rompent par intermitence quelques pins tordus le tout côtoyé par la roche qui se retire en sable d’où se retire l’océan avant que de revenir à l’attaque, âpreté végétale, dégradation minérale et liquide fuyant que lui, Crépon n’aurait su rendre dans sa vérité pour la bonne raison que l’œil du peintre, aveugle, incapable d'apprécier ces phénomènes dans la chronologie de leur existence géologique se doit non pas de réduire l’imposante masse d’air située, selon Baudelaire, entre lui et ce qu’il voit de façon à ce que cette masse soit pour ainsi dire inexistante entre le tableau et spectateur, permettant ainsi à se dernier de voir ce qui s’y trouve représenté mais de reconnaître son incapacité, ce à quoi par soucis de probité il se résolut pour être à même de rendre sur la toile cette vision maritime que lui, client, avait commandé, identique à celle que l’on peut avoir dans le désert lorsque le soleil fond le ciel et le sol en une seule blancheur dont la violence visuelle était ce que lui, peintre, avait transposé dans ce bleu maritime, explication qui sembla étourdir le client dissimulant mal un début de déception à la vue de la pauvreté chromatique du résultat que Crépon s’employa à fléchir vers une acceptation enthousiaste en citant Gide lorsque celui-ci, justement, écrivait que Monet ne serait pas devenu Monet sans avoir connu lors de son séjour en Algérie cette même vision où le détail s’efface devant la vérité, et devança une remarque qu’il sentait venir et qui ferait dire au client : oui, mais Monet n’avait pas peint de nympheas monochrome, insinuant qu’entre la représentation d’une nature arrangée telle que l’avait pratiquée le maître de Giverny et la sienne la différence n’était pas aussi grande que pouvait le croire le client en ce sens que les deux approches s’éloignaient d’une représentation dont le seul motif serait la sensualité du coloris, ne se séparant seulement par le fait que Monet avait intellectualisé une approche uniquement émotionnelle de la nature quand lui, Crépon, avait radicalement extirpé l’émotion encore présente dans l’intellectualisation entreprise par Monet, allant jusqu’à prendre la cataracte dont souffrit le peintre à la fin de sa vie comme base de son travail amenant celui-ci à ne plus être un seul jeu de l’esprit entre le sensuel et l’intellect, entre le subjectif et l’objectif, mais bel et bien un basculement dans une perception plus serrée des choses, réduisant d’une part l’air entre sa vue et le sujet peint et augmentant d’autant... un tic nerveux agitant les paupières du client montrait que celui-ci commençait à perdre pieds Crépon enfonça le clou : imaginez qu’il vous soit possible de voir l’univers une seconde avant le Big Bang, que verriez-vous? Rien sans doute, et pourtant, tout y serait [là il faudrait une liste?], Tout... Dites à votre femme que c’est lorsqu’on ne voit plus la montagne, qu’on la voit le mieux, ce qui vaut bien évidemment aussi pour la mer. Dites lui qu’au moment de son éveil bouddha ne vit pas autre chose. La mer? Non, rien. Dites lui encore que celui qui, regardant la mer, veut voir des vagues, de l’écume, des mouettes, des cabotteurs et des ramasseurs de moules, est sous l’emprise de sa volonté, est retenu, aveuglé par elle, et que seuls les ongles de la contemplation sont à même de déchirer le voile de Maïa, dites lui....