Cela lui arrivait n’importe où, n’importe quand, aux toilettes par exemple. Il regardait, il scannait même, les objets accumulés sur le rebord de la fenêtre, sur les étagètes, fixés aux murs ; il regardait et avait alors l’urine lourde, comme si soudain le jet s’épaississait, prenait une couleur orange rouille foncé, une teinte pesante, se ralentissait, paraissait interminable, voire immobile, ce qui ne pouvait être puiqu’il entendait disctinctement le liquide cascader dans la cuvette, se mêler en bouillonnant à l’eau de la chasse. De cette mousse s’élevait une plainte, sa plainte.
- Tu te plains en pissant, toi? Tu devrais plutôt te rejouir : qui pisse perdure!
- Eh bien non, justement. L’immobilité requise pour se délester et l’état de grâce ressenti en s’y appliquant ne sont qu’une brève interruption dans le mouvement des choses, la course des heures, dans mon propre mouvement... Je me déplace et m’afflige de la disparition de ce dont quoi je m’éloigne ; je me déplace et m’afflige, impatient, de ce que ce vers quoi je me rends ne soit pas encore visible, disparaisse en avance pour ainsi dire...
- Tu penses à ça en pissant, toi?
- Et en regardant les objets se trouvant dans les w.c., qu’ils soient utilitaires ou simplement décoratifs.
- Parlons-en. Des premiers, les trois quarts le seraient sûrement plus en dehors des cabinets ; quand aux autres, ils sont pour la plupart si moches qu’ils désemparent la vessie et terrifient l’anus! Ce qui vaut d’ailleurs pour une grande partie de ce qui, dans l’appartement, s’entasse dans les tiroirs, s’empile sur les meubles et surpeuple les étagères.
- Peut-être existe-t-il une force d’attraction obscure, dont nous ignorons tout, qui les attire, les aimante?
- Peut-être existe-t-il aussi un mot pour qualifier ce dont quoi il retourne, et peut-être ce mot est-il : syllogomanie...