Ma chère Mireille,
Inutile de te dire que Boucard et Pécuvé n’étaient pas plus présents au second qu’au premier rendez-vous. Passons. Rien à dire du voyage, c’est comme s’il y avait eu deux voiles de part et d’autre de la voie. Nous traversions une sorte de flou permanent, ce qui n’est à pas à mettre sur le compte de la fatigue mais plutôt sur celui du paysage d‘une monotonie exemplaire, l’incoloration des champs, des forêts, des collines, des villages nous prenait à la gorge. Plus nous avancions vers le sud, plus les trains rapetissaient (de l’intercity à l’autorail), plus les gens devenaient, non pas ouvertement hostiles mais de moins en moins aimables. Ils nous évitaient presque à vrai dire, lorsque nous désirions un renseignement. Doit-on les blâmer? Après tout, nous ne faisions pas le trajet pour leur rendre visite ou admirer leur campagne, pas même leur ville. Nous venions voir le vide, crée sur et par ces 170 hectares (auquels s’ajoutent d’autres superficies identiques bien que de dimensions variables). Il n’existe pas de système de conversion pour le transformer en phrases, ce vide. Les invisibles (Bouchards et Pécuvé) nous ont réservé deux chambres dans le même hôtel cette fois. Architecture tout aussi communiste qu’à Varvosie, avec cependant un zeste de recherche : deux cubes posés l’un sur l’autre. C’ést René qui a m’a fait remarqué les deux globes, sur le toit, côté façade.
Ce ne sont pas vraiment des globes, juste l’armature, équateur et méridiens et rien entre.
Je t’embrasse,
ton Lucien