Les yeux ronds de Camille à la vue des étals où la barbaque succédait au kitsch. Aussi ronds que le rond rouge au milieu de la pièce d’étoffe, maintenue par une épingle à linge à une armature, comme un rideau de cuisine . „Ah, è raro questo! E proibito in Giappone!“ avait chantonné le vendeur, accompagnant un clin d’œil de son index levé, comme pour signifier que malgré cette rareté il lui ferait un prix, parce qu’il était dans un bon jour et que c’était elle. Elle, qui prit le „Giappone“ pour du savon et le „probito“ pour l’interdiction du dit. „Ton savon, c’est du Japon“ la corrigea René, qui profita de l’occasion pour lui raconter comment, ayant été envoyé à Berlin [Avant la chute du Mur, par Durapin, qui décidément possédait le don de la chicane comme personne], et s’étant égaré, il se retrouva dans une partie du Tiergarten. Cela lui rappela le décor abandonné d'un studio de cinéma, où le dernier film tourné remontait à très longtemps : le quartier des ambassades. L'une d'elles l'attira plus particulièrement, sur la fassade de laquelle – mais peut-être s'agissait-il du toit – pendouillait à une hampe un chiffon fort dépenaillé, bien malmené par les intempéries, et qui s'avéra, vu de plus près, comme étant l'Hi no maru (ou peut-être le Kyokujitsuki? Il ne savait plus). D'une architecture aussi fade qu'imposante, le bâtiment avait l'aspect d'un gros morceau de viande trop cuite, racornie, indigeste, figée dans la graisse du temps, futile bout d'histoire à portée de la main, ou presque.